Notre troisième et dernière journée sous le soleil de Saint-Malo débute sur la plage. Cet après-midi c’est le groupe francilien HALO MAUD qui s’est vu offrir l’opportunité de jouer face à la mer. Plus beaucoup de place pour se poser sur le sable malouin : les amateurs sont au rendez-vous pour une heure de pop enjôleuse et rêveuse menée par Maud, échappée du groupe MOODOÏD. Une mise en condition légère qui sied particulièrement bien au lieu, avant de regagner le Fort et sa programmation du jour qui nous excite grandement !
A lire en complément : IMG_2813_2
C’est MORGAN DELT, signé chez Sub Pop, qui profite de la fin d’après-midi pour donner une touche psychédélique à notre arrivée sur le site. On retrouve les sonorités familières qui font la particularité du genre ; guitares vaporeuses et mélodies lancinantes dans lesquelles le jeune homme réussit à apporter une touche de légèreté bienvenue. Sans révolutionner le genre, l’américain tire tranquillement son épingle du jeu et partage avec la Bretagne un bout de sa Californie.
Lire également : Concours : CLOUD NOTHINGS + Cheatahs (terminé)
On aurait bien prolongé le voyage psyché, mais JULIA HOLTER, également née sous le soleil californien, en a décidé autrement. Il s’avère impossible d’ignorer le talent de la demoiselle qui navigue entre pop minimaliste, sonorités électroniques et musique classique par moment. La voix est également impeccable, précise, émotive et nous rappelle fortement REGINA SPEKTOR, le petit grain de folie en moins. Malgré tout, l’ennui va rapidement nous conduire vers des occupations plus primaires (manger/boire). Certain crient au génie tandis que nous passons simplement un peu à côté. Aujourd’hui on a envie d’entendre des guitares et de voir des sales gosses !
Niveau grosses guitares, on est servi avec LUSH. Assez déçus par leur concert au This Is Not A Love Song à Nîmes début juin, on n’attendait pas grand-chose de ce set. Et pourtant, leur prestation du soir est bien meilleure. A Saint-Malo, les anglais proposent une heure de pur shoegaze en musclant considérablement leur prestation par rapport à notre dernière expérience. Le son, parfois trop fort, fait résonner le Fort alors que les fans nostalgiques du début des années 90 se paient un chouette retour en arrière. LUSH conclue son set avec « Sweetness and Light » dans un déluge électrique étourdissant. On est prêt pour la suite !
On file un coup de jeune à la prog’ avec FIDLAR, un des groupes de garage punk américain les plus excitants du moment. On croise dès qu’on peut la route des californiens (décidément ils sont partout aujourd’hui) ; on se rappelle leur dernière prestation parisienne de sauvages à La Maroquinerie (voir ici)… Un concert de FIDLAR c’est l’assurance de remuer la tête, enlever le t-shirt et se jeter sur son voisin. Si on s’est contenté ce dimanche de remuer un peu à l’écart, le groupe a en revanche tout fait pour que ça slamme dans la fosse. Déjà, en développant la bonne idée de commencer par une reprise de « Sabotage » des BEASTIE BOYS qui déchaîne directement les kids des premiers rangs. Ensuite, en balançant une setlist composée de ses titres bondissants aux refrains fédérateurs, à coups de grosses guitares noisy et d’énergie punk. Le chanteur/guitariste Zac Carper harangue la foule et fait monter la sauce dans un joyeux bordel, musicalement plus maîtrisé qu’il n’y paraît : ça fonctionne à tous les coups, on se délecte devant ce skate punk sacrément efficace.
Après les avoir observés déambuler un bon moment du côté du bar VIP (ouais, on se la raconte un peu, on est comme ça), il est temps pour les FAT WHITE FAMILY de monter sur la grande scène du Fort. Histoire de proprement faire chier un peu plus les quelques réacs qui se seraient aventurés sur le festival, les mecs arrivent sur le chant de la prière du muezzin, avant de lancer un concert mémorable tout en rock’n’roll brut et sauvage. Le leader Lias Saudi en tête (de toute façon, on ne voit que lui), ces anglais infréquentables assument pleinement leur nihilisme. Si les zikos restent prostrés derrière leurs instruments, le frontman assure pleinement le show, gesticulant et éructant de son chant pincé tout le catalogue du groupe. S’enfilant plusieurs litres de bière pendant la prestation, il faut le voir monter sur les estrades, haranguer la foule, sauter dans le public à plusieurs occasions et donner de sa personne, telle une rockstar désenchantée. Impossible de rester insensible à cette attitude tellement spontanée et désintéressée. Une bonne heure de concert plus tard, la conclusion revient sans appel, si t’a pas vu FAT WHITE FAMILY sur scène, t’as un peu raté ta vie mon pote…
Le retour de SAVAGES à La Route du Rock était assez contesté, puisqu’on se souvient un peu trop fraîchement de leurs passages par Saint-Malo en 2015 et 2013. Les quatre anglaises avaient certes donné l’un des meilleurs shows de l’édition précédente, ayant rodé les chansons de son second album et nous collant une bonne claque avec un set dévastateur. Un an plus tard et quelques mois après la sortie de « Adore », le groupe est passé du statut de révélation à celui de confirmation grâce à des chansons percutantes, des concerts féroces et une com’ parfaitement huilée autour de la chanteuse/leader Jehnny Beth. Leur dernier concert parisien à la Cigale avait tourné à la démonstration, la performance de ce dimanche va être de la même trempe. SAVAGES est devenu une machine qui laboure tout sur son passage, d’une musique puissante, précise et sauvage, toujours empreinte d’une folle énergie post-punk à laquelle les filles ont su donner une touche de romantisme. Du tubesque « The Answer » à la montée de l’émouvante « Adore Life », en passant par « Shut Up » jusqu’au final étourdissant de « Fuckers », la setlist est classique, efficace. Joli moment lorsque Jehnny perchée sur ses Louboutin zébrées souhaite rendre hommage à Alan Vega de Suicide, récemment disparu. « Dream Baby Dream » résonne alors dans le ciel étoilé de Saint-Malo. Août 2016, SAVAGES est définitivement rentré dans la catégorie des groupes qui comptent.
Après les trois derniers concerts complètement dans notre registre, on était dans les meilleures dispositions pour en découdre avec SLEAFORD MODS. Inutile de rappeler le concept, il est à première vue aussi simple qu’il peut laisser perplexe. Le véritable tour de force de ce duo cockney est d’arriver à systématiquement nous la faire à l’envers en nous pointant bien droit le majeur au visage. Un concert de SLEAFORD MODS, c’est un mélange permanent dans les esprits de sentiments et d’états. On sourit, on s’interroge, on déteste puis finalement on les aime bien, ils ont l’air con mais à la fois cool et puis pour arriver à être aussi efficace, il faut que les gars soient forcément talentueux. On ne sait pas comment ça fonctionne en coulisse, si Andrew Fearn qui boit des bières et appuie sur le bouton est un bidouilleur studio génial ; ou si tout prend corps autour des cris de colère constants de Jason Williamson. Une chose est certaine, il se passe quelque chose de viscéral, d’hypnotique lorsque le chanteur attrape le micro, prend ses mimiques et déroule toute sa haine anti-establishment. Une heure de plongée dans l’Angleterre prolo avec SLEAFORD MODS, le gros What The Fuck jouissif de La Route du Rock 2016.
Le temps de vider notre carte cashless et c’est parti pour la grande messe de clôture de fin de festival. Face à l’annulation last minute de THE AVALANCHES, les programmateurs ont eu la bonne idée de dégainer JAGWAR MA. Le trio australien fait parler de lui en ce moment puisque leur second album se profile à la rentrée. Si ce set prend quelques minutes à s’envoler, l’énergie communicative du groupe ne tardera pas longtemps à faire effet. Sous une débauche de lumière, les tubes s’enchaînent parfaitement, nous sortant le récent « OB1 » histoire de bien nous faire remuer, ou allongeant sur plus de dix minutes l’hymne « Come and Save me ». Le résultat est là : le public n’a pas prématurément déserté le Fort de Saint-Père mais savoure bien la fête. Pour nous, il est l’heure de s’éclipser, on s’éloigne doucement de la scène en savourant les derniers instants et l’ambiance si particulière de la Route du Rock.
Cette année, on a croisé des bidasses fusil à la main, patrouillant au milieux des festivaliers et dynamitant un peu notre vision d’Eden. Une sensation bien curieuse quoique rassurante, à laquelle il faudra s’habituer… Ça ne nous aura pas empêché de profiter de trois jours de fête, à retrouver avec plaisir toutes ces têtes connues, profiter de l’air breton en trinquant fièrement à cette musique qui nous rassemble. Les années passent et la Route Du Rock est toujours aussi belle.
Photos © Bastien Amelot pour STBC
Texte M.A et Bastien Amelot pout STBC
Remerciements à La Route Du Rock et Maxime Le cerf