BRNS fait partie de ces petits groupes arrivés en catimini sur la scène rock indé en 2012, se faisant un nom à travers leur prestations scéniques enflammées et la sortie du (mini) album « Wounded« .
Leur pop-rock intense et entraînante, loin des sentiers battus a vite séduit le public et la critique, les projetant petit à petit au devant de la scène. A peine débarqués du Luxembourg ou ils jouaient la veille, nous les avons rencontré pour une discussion tranquille autour d’une bière sur la terrasse du Point Éphémère ou ils jouaient le lendemain.
(Cesar Laloux, le percussionniste et claviériste n’était pas présent ce jour la)
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Vous revenez à nouveau à Paris, qu’est ce qui vous attire ici ?
Tim (Batterie, Chant) : C’est vrai que ça doit faire une quinzaine de concert ici maintenant. C’est peut-être l’effet capitale… A Paris, il y a énormément de salles de concert intéressantes. C’est très varié, il y a des endroits incroyables ! A Bruxelles, c’est aussi le cas mais c’est beaucoup plus petit.
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Vous êtes en tournée en ce moment, quelques dates avant une pause ?
Tim : On devait sortir le nouvel album pour le Disquaire Day et on avait prévu une grosse tournée en mai. Mais finalement on a reporté le disque et gardé la tournée. On fait quelques dates en France, on part une semaine en Angleterre puis 2 en Allemagne, Autriche sur le mois de mai. On découvre petit à petit de nouveaux territoires comme l’Estonie ou la Slovénie. Tout ça est assez dense mais cela nous permet d’avoir un été un peu plus calme et de sortir l’album après.
Diego (Guitare, Chant) : On fait très peu de festivals cet été, vu que l’album sort le 25 août. Je crois que les organisateurs ne nous voulaient pas (rires). Comme on a pas trop d’actu, on profite pour aller tourner dans des endroits que l’on avais pas encore visité.
Vous allez dans ces pays en sachant qu’il y a un public ou vous partez au hasard ?
Antoine (Basse, Clavier, Chant) : Les programmateurs essaient toujours de faire qu’il y ait un appel avec de la promo. Le baromètre, c’est les festivals de showcase comme le Mama, à Paris. Il y a eu aussi les Nuits Soniques, avec un super retour du public et des programmateurs, donc assez logiquement, ils se disent que ça peut marcher dans ces territoires. Il y a peut être pas de demande mais avec un peu de travail le public est la. C’est toujours influencé par les pays voisins. A chaque fois, on fait un pays plus loin. On va peut être aller en Russie, mais tout se fait crescendo, pas d’un coup.
Vous pensez qu’internet vous a bien aidé dans votre succès ?
Diego : Je ne sais pas si c’est ça qui nous fait jouer à l’extérieur. C’est un support, un moyen de communication. Après, je veux pas faire vieux con mais si au tout début, internet nous a pas mal aidé… aujourd’hui, c’est surtout trucs de contacts, de bouche a oreilles. Tu joues dans un showcase, il y a un programmateur d’une autre salle ou autre festival en Europe qui te vois et te reprogramme là-bas. Et chaque concert en apporte un nouveau.
Antoine : On a toujours fait notre chemin par le live. On a toujours essayé d’être un peu malins, de faire gaffe avec qui on bossait. La stratégie a toujours été d’aller au charbon dans des petites salles ou on avait des petits cachets plutôt que d’attendre que ca grossisse sans que ça grossisse vraiment et être bien payés mais d’arriver dans des salles énormes mais vides. On est allé vraiment dans des conditions de merde à peu près partout (rires). Généralement on fait un concert dans une vielle cave et puis après on revient 3 mois plus tard et on fait une salle correcte. C’est toujours comme cela que ça se passe, il faut accepter ce jeu la même si tout le monde n’est pas prêt a le faire parce qu’il y a une sorte d’inconfort la dedans. En Estonie par exemple, on est pas payé et on ne sait rien, ni ce que ça va rapporter niveau public. On va peut-être cafarder un peu s’il n’y a personne… Il y a parfois un énorme décalage.
Vous commencez à voir l’habitude de salles bien remplies…
Diego : Tout dépend finalement. En France dans la moitié nord et dans l’ouest, il y a du public. Mais dans d’autres pays, en Allemagne, en Suisse Allemande, même au Pays-Bas, il y a beaucoup moins de monde.
Est-ce que ça vient peut-être des spécificités de chaque pays, le fait qu’il y ait des habitudes musicales différentes parfois ?
Antoine : C’est une question de temps. A partir du moment où tu mets le pied dans un territoire, il n’y a pas de raisons que ca ne marche pas du tout. Il faut juste prendre son temps, ne pas brusquer les choses. En France, ça se passe bien, en Belgique, c’est le premier pays ou on est apparu donc on est forcement plus loin au niveau du développement. Ce qui est assez intéressant finalement, parce que si t’es gros partout rapidement, tu commences vite à avoir l’ego qui gonfle. Nous, c’est pas notre cas. On va dans des petites structures, parfois a l’arrache, on est pas pressé.
La scène belge est bien accueillie et assez florissante, vous le ressentez ?
Il y a un gros public pour la scène belge effectivement. On a une bonne image ici. On profite, on vous arnaque bien finalement (rires). Mais c’est vrai qu’on bénéficie de ça depuis longtemps. A l’époque, il y avait quelque chose de magique sur les premières tournées de dEUS, une aura de malade, et depuis les gens se sont fait une idée de la scène belge. Même Girls in Hawaii et Ghinzu ont vite été comparé a dEUS. Mais je ne crois pas qu’il y ait plus de bons groupes en Belgique qu’en France. C’est juste que la manière de les médiatiser est terriblement différente. On a moins de très gros media qui vont parler que des grands groupes et de petits média qui vont parler des émergents. Chez nous, des médias moyens vont parler des grands comme des petits, donc c’est plus facile de bouger que certains français par exemple qui sont très bon qualitativement mais qui ont très peu de relais médiatique. C’est bien simple, on voit de super bons groupes, je pense à Frustration chez Born Bad Records par exemple et malheureusement, cela restera une niche, et aucun grand média ne fera de belle interview parce qu’on parlera de Daft Punk. Finalement, ça nous permet de nous retrouver un peu en tête en gondole (rires)
Vous avez maintenant tous arrêté de travailler, les tournées sont plus faciles, vous avez le temps de souffler par rapport à la période du premier album ?
Diego : Il nous fallait la possibilité d’arrêter de travailler, sinon, tout cela serait impossible. Je veux dire, trouver un boulot ou tu peux prendre 120 jours de congés par an… C’est assez rare je crois ! Et pour composer a côté, faire les tournées, même à temps partiel, c’est beaucoup trop.
Antoine : au début, on combinait vraiment les 2 jusqu’au moment ou ça n’a plus été possible. On cramait tout notre temps libre là dedans, on devenait dingues, on rentrait chez nous et on répétait jusqu’à 11h. A la fin de semaine on avait des concerts, la semaine complètement divisée. A un moment, t’a pas envie de devenir un autiste… t’es obligé d‘arrêter. Il y a des gens qui continuent, je ne sais pas comment ils font.
La musique, c’est un « hasard » pour vous ou c’était déjà un but pour chacun ?
Tim : ça s’est fait de manière très naturelle en se rencontrant. On a pas cherché ça à tout prix. Quand on a commencé à faire BRNS, on voulait juste faire un groupe qui nous corresponde a fond, et ça c’est joué de chance et de bon coups. Quand j’en parle aujourd’hui, je dis vraiment que j’ai la chance de faire de la musique mon boulot.
Même si c’est très différent, qu’est ce qui vous excite le plus, les moments entre vous, à composer, ou la scène ?
Tim : La scène, c’est super excitant ! T’a beau avoir joué « Mexico » pour la 1200ème fois, c’est toujours top ! Le live, c’est ce qui nous donne l’excitation, l’adrénaline. C’est tout simplement faire vivre tes morceaux.
Antoine : La création, c’est un processus ou il y a vraiment des « up and down ». Parfois c’est vraiment chiant, et parfois c’est très bien parce que t’a l’impression d’avoir l’idée du siècle. Même si ça peut très vite se retourner contre toi. Et puis il y a les egos les uns contre les autres. C’est très inconfortable par rapport à la scène. En tournée, on dort peu, on est à l’étroit dans un van, il y a une petite routine… Mais à la fin, on prend vraiment conscience, on connait très bien nos morceaux et on trouve énormément de plaisir à les jouer.
Donc la composition est assez compliquée ou vous arrivez vite à vous mettre d’accord ?
Antoine : Tout dépend, il n’y a aucun morceau qui a été composé de la même manière. Chacun a une histoire qu’on oublie très vite parce que si on se pose toutes les questions, on en finit jamais. Parfois, il se passe une heure ou tout le monde regarde ses pieds, parce qu’on avance pas et ça c’est vraiment dur. C’est aussi le jeu, c’est comme ça que cela fonctionne. Et puis quand ça se débloque, on se dit ah putain… on a enfin trouvé !
Tim : un morceau peut nous prendre 2 jours, 2 semaines ou 2 mois ! Parfois, on crée une partie seulement et on ne trouve pas de solution, c’est trop compliqué. On revient dessus, plusieurs fois en essayant plein de choses. Il y en a quelque uns qu’on a composé très rapidement, comme le dernier de Wounded, Our Lights. Ca s’est fait un peu dans l’urgence. On avait 2 morceaux en construction, on savait qu’on voulai en enregistrer un supplémentaire. Et il y en a qui s’est débloqué plus vite que l’autre donc on l’a gardé. Pareil pour l’album à venir, il y en a un qu’on a fait un peu dans la hâte et qui sort un peu du lot mais qui a une personnalité particulière.
Antoine : Parfois c’est bien de faire les choses dans la hâte, sinon, ça vire a la prise de tête générale. A se dire, c’est trop comme ci trop comme ça… La on a essayé de se poser beaucoup moins de question et d’être un peu plus convaincu de nos morceaux dans l’instant.
Et chanter en anglais c’était logique ?
Tim : Musicalement ca sonne mieux surtout ! Ca se rattache plus à un univers pop anglo-saxon qu’on écoute depuis longtemps. On est pas spécialement très attaché à la tradition de la langue française. On a l’impression que dès que tu chante en français, t’es obligé de sortir un truc parfaitement écrit, beaucoup plus lourd a cause de la tradition littéraire. Et puis en Belgique, le public est trilingue. Cela dit, en anglais, on se permet des fautes monumentales (rires).
Les anglais et les américains le font bien eux-mêmes…
Tim : c’est ce que j’arrête pas de dire a Diego mais il me crois pas.
Antoine : il est traducteur donc il est très pointilleux (rires).
Diego : ouais je corrige les fautes et puis on les laisse quand même parce qu’on se dit que cela marche mieux comme ça (rires). Mais on ne compose pas des chansons a texte, les paroles, elles viennent en dernier. C’est d’abord des sons sur lesquels sont collés des mots, les paroles viennent en dernier.
On peux forcement déceler des influences dans vos chansons mais vous développez une personnalité propre, hors des entiers battus, d’ou viennent vos influences ?
Tim : De toutes les choses qu’on a écouté avant, tout ces groupes de pop expérimentales, qui n’ont pas hésité a transgresser les codes. Sur le 1ere EP, on a fait ça de manière un peu brute, beaucoup de chansons qui sont un peu… cassées. Sur le nouvel album, on a un peu plus de lien, il y a quelque que chose de moins abrupte.
Antoine : il y a ce qu’on écoute et ce qui nous influence vraiment. Il y a des trucs que tu vas parfois écouter une seule fois… Par exemple Oneida, un groupe de méga noise tribal complètement fou avec des morceaux interminables assez oppressants. Tu ne vas pas le réécouter avant de te coucher, sinon ça va te donner envie de te pendre (rires). Mais, ça va ouvrir le champ des possibles. A chaque fois dans la musique, t’a une petite clés, pour une petite porte qui va te mener un peu plus loin dans ce que tu pourrais faire d’acceptable ou pas. On a toujours voulu, bizarrement même dans nos autres groupes, casser un peu les codes parce qu’on trouvais ça juste normal. Au début on forçait un peu le truc mais en fait cela ne nous parais pas moins pop pour autant.
L’industrie musicale lisse parfois un peu tout, beaucoup de choses sortent et se ressemblent sans qu’on ait vraiment le temps d’y faire attention. Vous restez sur une scène indé, sur un petit label. C’est la volonté de rester tranquilles ?
Antoine : On a signé sur un label mais sans faire de compromis non plus parce qu’ils ne nous le demandent pas. Quand on a composé au début, on était tellement en dehors de toutes considérations commerciales qu’on est naturellement resté dans cet esprit là. Et si ça a marché une première fois en composant ce qu’on voulait, tant mieux. Même si sur certains morceaux, on avait l’impression qu’il y avait des trucs foireux, qu’on trouvait bizarres d’avoir laissé, mais ca a fonctionné. Et on a arrêté de se dire qu’il fallait aller vers un truc qui plairait forcement. Et puis si on doit tourner pendant 2 ans avec un disque, autant qu’on soit en phase avec ce qu’on fait.
Vous êtes très perfectionnistes en composition, vous y revenez tout le temps ?
Tim : Il faut qu’on soit satisfaits. Parfois, on a l’impression que c’est fini, et puis on réécoute le morceau 2 mois plus tard, on se dit que des sons sont bizarres…
Antoine : Sur Wounded, il y a un morceau qui a été cafardant, même à jouer en live, on trouvait qu’il y avait un truc space, c’est « Here Dead He Lies« . On a fait une quantité inimaginable de versions. Au moment de l’enregistrement, on l’a faite parce qu’il le fallait mais on était vraiment stressés. On était sur de rien jusqu’au bout. Alors que d’autres, à un moment tu y mets le point final et c’est terminé. Plus les morceaux sont cassants, plus ils vagabondent, plus ce sont des choses que tu peux facilement remettre en question.
Vous testez votre musique, en public, avec des proches ?
Diego : Non, cela reste vraiment fort entre nous. On les réécoute, on les rejoue, on y revient mais vraiment entre nous.
Tim : On est même un peu farouches… Ma copine, je n’aime pas trop lui montrer les maquettes par exemple, j’ai peur qu’elle me dise ce qu’elle trouve bizarre (rires)
Antoine : Surtout que tout ce qu’on fait en maquette, on a une image mentale de ce que ça donnera en enregistrement. Il y a des choses qui sonnent très space, mais pour nous, ça paraît tout a fait normal, on sait vers quoi ça va aller
Ce nouvel album, vous avez pris le temps de le composer tranquillement ?
Diego : On n’a pas eu vraiment de pause, on l’a fait par ci par la. On a débuté certains morceaux à l’été 2012. Le premier disque fait 35 minutes, donc quand il a fallu assurer des concerts d’1h, on a du prendre de l’avance. Au fur et a mesure, il y en a eu de plus en plus dans le set et dans les derniers concerts, presque 6 extraits du nouveau disque. On l’a composé entre le printemps – été 2012 et automne 2013. Dès que « Wounded » est sorti, on avait déjà commencé le suivant. On s’est callé des périodes ou on était en Belgique entre les concerts. On ne voulait pas faire une pause de 4 mois pour juste composer. Depuis le début du groupe, on a pas mal enchainé…
Donc, l’album est fin prêt à être lancé ? Heureux?
Diego : Oui, l’album va être pressé bientôt. On le joue scène depuis 2 concerts. C’est quand même chouette, cela fait 3 mois qu’on répète nos chansons devant personne, juste entre nous pour les mettre en place et ça fait vraiment du bien de les jouer devant les gens et de voir l’amusement, de la surprise, des réactions !
Tim : C’était un peu bizarre à jouer au début, et puis après un peu moins… et probablement que demain soir, ce sera… génial !
Un grand merci aux membres du groupe pour leur disponibilité, à Webpromo et Melissa Phulpin pour l’organisation.