Tout commence avec zZz, deux gars dont j’apprendrai plus tard qu’il viennent d’Amsterdam, en leur parlant avec une clope sur le trottoir de la rue des Martyrs.
Ils assurent la première partie avec efficacité et sans relâche : Björn Ottenheim à la batterie/voix, Daan Schinkel au clavier/bidouillage. Si leur nom évoque plus l’entomologie appliquée qu’une grosse sieste en hamac, la saveur de leur performance est quasi onirique. C’est un plat de résistance thermique noise expérimental avec un arrière-goût de punk, saupoudré d’une pointe infime de funk. Le genre à fermer les paupières la tête vers le bas et frétiller du bassin les neurones volontiers révulsés.
Une bonne demi-heure de set s’écoule où le batteur frontman rappelle quasi entre chaque morceau qu’ils s’appellent zZzZzZz, et c’est la pause. Le Divan s’est bien rempli et chacun a bien besoin de cet arrêt au stand pour un plein d’énergie, même si on ignore le train qui va nous passer sur la cervelle dans quelques minutes !
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Après avoir discrètement accordé leurs pédales et écrit la setlist sur une peau de tom qui finira à une prochaine table de merch, les new-yorkais ne dissimulent pas leur sourire. Les lumières se tamisent au maximum, une épaisse fumée emplit la scène, et les trois zigotos de Brooklyn sont acclamés comme des princes.
Nous, pauvre public ignorant, sommes en fait embarqués dans un esquif dont l’ossature se révèle fragile, tout coincés que nous nous trouvons au cœur de cette fosse éteinte et suintante. Quelques âmes au balcon surplombent ce grand rien visuel (quasi aucune lumière si ce n’est 3 projecteurs psychédéliques braqués sur les membres, fumée blanche, j’ai préféré me coller au premier rang au début), mais cette élévation s’avèrera payante par la suite.
On a beau être informé que A PLACE TO BURY STRANGERS c’est du très lourd, qu’ils sont « le groupe new-yorkais qui joue le plus fort » et que ça va tabasser, on n’en hallucine pas moins entre deux éclats de stroboscope d’entrevoir un bassiste littéralement au bord de la rage, ramener ses amplis massifs sur le bord de la scène, y cogner son instrument comme un malpropre. Je me suis demandée durant quelques minutes si on n’assistait pas au split en direct, Dion Lunadon balançant sa Fender Precision d’un bout à l’autre de la scène en plein milieu du set…
Mais non, Oliver Ackermann en gratteux paisible, hurlant gentiment ses paroles, n’est pas très surpris et même plutôt concentré, Robi Gonzalez fait voler ses cheveux en bourrinant sa grosse caisse, tout va bien.
Des éclats du bois de la basse et une clé d’accordage du manche se baladent dans les airs, vraiment tout roule, le set se poursuit monstrueusement !
Et puis le batteur se lève, vient vers moi, me prend pour appui, descend de la scène et traverse la foule. Les deux autres l’imitent bientôt et les voilou tranquillou au fond de la fosse, à continuer à jouer ce qui sera leur rappel d’une vingtaine de minutes en apnée, sans réellement de pause avec le reste du set. La claque sera balancée à tout le monde sans exception ce soir ! On n’a pas vu grand-chose, mais on a goûté la sueur, bu la tasse, frôlé l’épilepsie.
Les lumières se rallument, la fumée se dissipe dans les esprits comme au sens propre, la table de merch propose vinyls, CD, cassettes, t-shirts et earplugs brandés. Ce rêve était l’un des plus grandioses auxquels j’ai assisté.
Remerciements au Divan Du Monde
Photos © erisxnyx pour STBC